Effets des conditions de vie

Dans la perspective d’analyser les facteurs facilitant l’entrée dans l’écrit, il apparaît nécessaire, dans un premier temps, de tenter de rendre compte des effets des conditions de vie sur le développement de l’enfant.
Le développement de l’enfant est lié à la relation à sa mère, à son père, à la famille mais aussi à l’espace social et aux contextes culturels et économiques qui l’environnent. L’enfant évolue en interaction avec son milieu, il est donc essentiel de situer l’enfant dans une pluralité de contextes.
Pour ce faire nous nous appuyons sur le travail de Chantal Zaouche Gaudron (2005 ), professeur en psychologie du développement qui a réalisé un bilan des recherches les plus récentes en psychologie sur les liens entre le développement du jeune enfant et ses conditions de vie, en particulier lorsque celles-ci sont défavorisées. Plus précisément, les conditions de vie défavorisées concernent la vie familiale, l’habitat, le voisinage, le mode de garde, les loisirs, l’accès à des services, le statut socioéconomique, la dimension psychologique. Les connaissances scientifiques montrent que si les conditions de vie ont des effets non négligeables sur le développement de l’enfant, elles ne sont ni déterminantes, ni figées et encore moins rédhibitoires. Il est important de prendre en compte l’interaction, et les impacts des différents milieux au sein desquels l’enfant grandit. Cette précaution dans notre discours permet de limiter la tendance à réfléchir en termes de cause à effet, c’est-à-dire d’attribuer les difficultés d’un enfant à une seule cause. L’enfant se construit à partir des expériences vécues dans différents milieux de vie. La multiplicité des facteurs en jeu oblige à penser une interconstruction, une interstructuration entre les milieux géographique et humain et les aspects du développement de l’enfant. Il s’agit de les identifier et d’approcher leurs dynamiques.
Dans cette première partie nous souhaitons apporter des éléments qui interfèrent dans le développement de l’enfant : le quartier, les parents et la famille, le mode de garde du jeune enfant et les conduites spécifiques d’enfants en difficulté.

Les impacts du quartier et de la collectivité sur le développement de l’enfant


Les recherches concernant les effets de la collectivité sur le développement sont récentes. Elles proposent une approche structurée de de la collectivité comme milieu physique et environnement social, une ressource qui peut relever aussi du groupe social
La collectivité est importante pour les enfants qui souffrent de manques de ressources individuelles et familiales. Le voisinage, le quartier sont en mesure d’aider ces enfants à se préparer à l’école par des réseaux de soutien, des services accessibles, un renfort positif des comportements sociaux. La cohésion sociale dans le quartier a des incidences sur les attitudes cognitives et comportementales des enfants en termes de développement de connaissances et de bien-être. A contexte familial identique, le quartier et les institutions scolaires font la différence sur le registre de la réussite scolaire. La participation des enfants aux activités culturelles et récréatives peut les mettre à l’abri de problèmes émotionnels et sociaux.
Un taux de cohésion sociale peu élevé peut entrainer une faible maturité scolaire signifiée par des problèmes de développement des attitudes envers les apprentissages et des troubles du comportement.

L’influence parentale et familiale sur le développement de l’enfant


Dans les familles aux conditions de vie défavorisées, la motivation première des parents est de conduire leurs enfants là où ils ne sont pas allés en brisant le cercle de transmission générationnelle de précarité économique et sociale. Mais pour donner l’équivalent à leurs enfants, que ce que donne les parents dans un milieu favorisé, ils doivent fournir plus d’efforts et faire preuve de plus de ténacité.
La pauvreté est le premier facteur destructeur pour le développement de l’enfant mettant la famille en situation de survie économique qui entraîne une détresse émotionnelle chez les hommes comme chez les femmes. La pauvreté des conduites parentales est liée autant à des explications objectives (revenu, etc.) qu’à des situations plus subjectives de vécu. Il est possible de les situer à trois niveaux : un environnement physique appauvri avec une concentration élevée de familles pauvres et de problèmes sociaux et environnementaux ; une situation familiale avec des conditions matérielles précaires ; une faible capacité individuelle à répondre adéquatement au stress associé aux tâches parentales.
Les analyses des conduites parentales montrent que les parents, en situation de stress permanent lié à la privation économique qu’ils subissent, témoignent de moins de réactivité à l’égard de leurs enfants, et adoptent des stratégies éducatives avec un contrôle fort qui se traduisent par des punitions plus dures. Ces parents sont plus distraits, hostiles et agressifs envers leurs enfants. Les enfants dont les parents sont déprimés présentent des difficultés à établir des rapports avec les autres, développent des troubles émotifs et du comportement, et sont plus exposés aux conduites addictives. La pauvreté induit des problèmes de santé mentale qui vont avoir une influence sur les interactions parents-enfants. Une santé mentale parentale altérée est associée à des interactions parents-enfant de mauvaise qualité.
Cette relation parents-enfant est modulée par la qualité de la relation maritale. Celle-ci soutient les rôles parentaux ou au contraire les rend difficiles. En situation difficile, le retrait caractérise le comportement des hommes, le stress qui va déborder sur la relation éducative caractérise le comportement des femmes.

D’une manière générale, ces familles ont besoin de soutien psychologique, économique et social. Cependant, elles adoptent souvent une attitude de méfiance vis-à-vis des intervenants qui ont une culture professionnelle orientée vers le médical avec une intention de réparer le parent. Or, il serait intéressant de réfléchir en termes de forces déployées par les familles plutôt qu’en termes de difficultés vécues. Aider les parents à penser l’intervention sur leur environnement immédiat, mais aussi au niveau des processus décisionnels quant à la résolution des problèmes familiaux.

L’impact des structures d’accueil de la petite enfance sur le développement de l’enfant

Il n’y a pas de supériorité d’un mode de garde sur l’autre, il faut envisager différentes solutions destinées à diminuer les tensions entre la mère et l’accueillante, préjudiciables au bon développement de l’enfant.
La structure d’accueil bien choisie peut jouer un rôle compensatoire pour certaines carences du milieu familial.
Des études ont montré qu’il existe des effets du mode de garde sur le développement psychomoteur et psychoaffectif des enfants, sur celui des compétences sociales et émotionnelles et dans certains cas sur les compétences linguistiques. La diminution des effets défavorables d’un attachement insécurisé sur le développement cognitif et du langage par un mode garde de qualité a été vérifiée. Les enfants bénéficient d’un environnement plus stimulant que celui dont ils auraient fait l’expérience avec leur mère à la maison.
Le mode de garde doit être examiné, interprété et articulé avec ce que l’enfant vit au sein de sa famille. L’histoire parentale fournit une piste de réflexion. Nombreux sont les parents ayant grandi dans des conditions de vie défavorisées qui n’ont pas été eux-mêmes accueillis dans des structures et ne sont pas à même de comprendre l’expérience de leurs enfants, l’intérêt et les fonctions que peuvent avoir ces lieux dans le développement de l’enfant.

Les conduites spécifiques de l’enfant ou les conséquences du dysfonctionnement du développement affectif sur les apprentissages

Dans les travaux consultés, les comportements sont structurés en deux ordres, intériorisés vs extériorisés, en positifs et négatifs. Ils sontliés à la théorie de l’attachement.
Dans certaines familles aux conditions de vie défavorisées, lesproblèmes de comportement des enfants sont associés à des attachementsinsécurisés. Ces problèmes de comportements peuvent générer nonseulement des difficultés dans les relations entre enfants et adultes,mais aussi avec les pairs. En effet, les relations entre enfants sontfondées sur une réciprocité favorisant l’émergence de la sensibilité àautrui et la construction d’une réalité sociale partagée. Le rejet parles pairs révèle une inadaptation comportementale qui a desconséquences sociales. Ainsi même le développement cognitif etl’habileté verbale en sont affectés.
Force est de constater que les enfants qui auraient à gagner du systèmescolaire sont trop souvent ceux qui échouent. Les attentes de l’écolesont souvent incompatibles avec un quotidien de conditions de vie trèsdéfavorisées.

En conclusion de cette partie nous retenons:
- L’enfant évolue enréciprocité avec les personnes de son environnement familial et extrafamilial. Ce qui signifie qu’il reçoit des influences négatives etpositives de son environnement pluriel mais qu’il est, lui aussi,porteur d’influences négatives ou positives. Il y a donc un lien évidententre conditions de vie défavorisées et développement socio-affectif etcognitif des jeunes enfants.
- Il existe des effets de l’éducation maternelle, indépendants du revenu,en particulier sur l’environnement stimulant proposé aux jeunesenfants. Des difficultés liées à un attachement insécurisé peuvent avoir des conséquences dans d’autres domaines dudéveloppement tels que les habiletés sociales, l’autonomie, etc. Cesont autant de facteurs explicatifs d’un bon développement cognitif.
- Une qualité élevée de la garde de l’enfant entraîne des bénéficescognitifs et comportementaux. Les effets protecteurs de l’attachementsécurisé minimisent les problèmes ultérieurs de comportements etd’habiletés verbales pour les enfants à risque social élevé.
- L’environnement de l’enfant inclus aussi des facteurs de protection, lequartier par exemple, qu’il convient de ne pas négliger.

Le travail d’identification de l'ensemble de facteurs positifs oriente la réflexion sur lesmoyens et les pratiques de prévention.


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